Michel Cymes : « L’e-santé a 25 000 avantages »
Un parcours de soin plus performant, plus rapide, plus accessible et moins coûteux. Le médecin préféré des Français croit dur comme fer aux bénéfices qu’apportera l’e-santé, secteur en pleine croissance. Michel Cymes lui-même l’utilise dans sa pratique quotidienne. Et il vient d’investir dans une entreprise spécialisée dans ce domaine. Entretien. L’e-santé suscite de nombreuses interrogations, voire des inquiétudes. Faut-il en avoir peur ? Non, il ne faut pas en avoir peur. Il faut savoir la manier, être vigilant autant du côté des autorités de santé que du côté des patients. L’e-santé, c’est la porte ouverte à l’information. Cela nécessite, c’est vrai, une éducation des patients pour qu’ils puissent avoir un jugement précis, objectif et critique vis-à-vis des informations qu’on leur propose. Le danger peut se situer là. Mais je suis confiant. Vous qui pratiquez encore : en quoi vous aide notamment internet ? (Sourire.) Il existe 25 000 avantages ! La dématérialisation représente évidemment un gain de temps certain. C’est déjà un précieux avantage tant pour le médecin que pour le patient. Sinon, au quotidien, en tout cas dans mon exercice de la médecine, cela facilite la relation avec le patient : avoir en face de soi quelqu’un d’informé – à condition qu’il ne soit pas déformé – facilite le dialogue et la compréhension des choses. Et ce, dès les observations durant l’examen puis dans les traitements proposés. Nous ne vivons plus au XIXe siècle : le médecin n’impose plus les choses aux patients sans que celui-ci ne pose la moindre question. Je vais également pouvoir parler prévention à ce patient bien informé. S’il dispose d’objets connectés, d’emblée cela signifie qu’il se sent concerné, qu’il fera le nécessaire pour ne pas tomber malade ou faire attention à sa santé. Le message passe mieux. Le revers de la médaille, n’est-il pas d’avoir des patients qui risquent de dresser eux-mêmes leur propre diagnostic en venant vous voir ? Si, bien sûr, j’en ai sans arrêt, des patients qui posent un diagnostic sur leurs symptômes et vont jusqu’à me dire directement quels médicaments il faut leur prescrire… Dans ces cas-là, je leur dis de prendre mon fauteuil et de se servir eux-mêmes du bloc d’ordonnances ! (Sourire.) Mais généralement, ça ne pose pas de problème. La transformation des métiers que l’e-santé induit remplacera-t-elle le médecin ? Non absolument pas. L’e-santé ne va pas remplacer le médecin mais va considérablement l’aider. Elle offre un service supplémentaire là où il n’intervient pas et l’accompagne davantage là où il intervient. La technique reste au service du médecin, qui interprète, analyse et pose un diagnostic. Je ne crois pas qu’une machine puisse faire ça… L’e-santé va révolutionner les métiers de la santé avec notamment l’apparition des objets connectés, qui ne serviront pas uniquement à savoir si on a réalisé 6 000 pas par jour. Les diabétiques s’en servent déjà pour rester autonomes et gérer leur maladie. Je suis convaincu que l’e-santé continuera à placer les médecins au cœur du dispositif de soin, tout en valorisant davantage le service qu’ils rendent. Moi, je m’en sers comme d’un allié. Concrètement, en quoi la e-santé représente un atout pour le patient ? On estime que deux Français sur trois renoncent aux soins à cause du temps d’attente pour obtenir un rendez-vous chez un médecin spécialiste : l’e-santé peut résoudre ce problème de délais. Son développement doit rendre le parcours de soin plus performant, plus rapide, plus accessible et centré sur la relation médecin-patient au lieu de lui nuire ou de la supprimer. « Digitaliser » la première approche du parcours de soin, faire appel à un médecin via une plateforme, lui poser directement une question et personnaliser le suivi grâce à la collecte sécurisée de données : c’est dans ce schéma que l’e-santé s’inscrit. Un autre exemple : je prescris un traitement antibiotique à un patient à prendre durant dix jours. Nous sommes connectés à distance, et on constate que la fièvre est retombée, que les symptômes disparaissent et qu’il est guéri plus tôt. Eh bien, je peux lui demander de cesser le traitement prescrit logiquement pour dix jours. Donc moins d’effets secondaires et des économies. Des dispositifs de téléconseil ou de téléconsultations devraient permettre de mieux valoriser la mission aujourd’hui réalisée par les médecins – de prévention, de conseil en dehors des consultations, de suivi régulier. Est-ce une solution pour répondre au problème des déserts médicaux ? Le numérique peut permettre d’amener les médecins dans des zones géographiques où ils ne sont pas. Mais attention, ce ne sera pas non plus miraculeux dans la mesure où, pour le moment, les régions touchées par cette problématique ne sont pas forcément celles dans lesquelles les gens maîtrisent le mieux internet, sont les plus connectés. Il y a d’abord la connexion à établir. Ensuite, en effet, même si les gens sont loin d’un cabinet médical, cela peut permettre un lien, puis d’adapter les rendez-vous et déclencher éventuellement des soins. Et quid de la sécurisation des données ? Je suis également confiant. Lorsque j’ai décidé de m’investir dans la création de l’application de santé Betterise, une plateforme qui distille des conseils personnalisés aux utilisateurs [lire par ailleurs, NdlR], c’est la première question que j’ai posée avant de m’associer à ce projet. Je suis obsédé par la protection du secret médical. C’est le fondement de toute relation avec le patient, c’est la base de la médecine. Si j’avais eu le moindre doute, je ne me serais pas investi. Là, la confidentialité est assurée. J’ai une confiance absolue dans notre plateforme. Après, il y a évidemment un danger potentiel, l’éventualité d’être victimes de hackers. Mais souvenez-vous : au début les gens hésitaient à procéder à des achats sur internet avec une carte bancaire. Aujourd’hui, est-ce qu’on se pose la question ? Maintenant, il faut des lois, des règles. Mais en France, la médecine est encore suffisamment à cheval sur le respect du secret médical pour que les choses se passent bien. Source: Bruno ALVAREZ (Journaliste à l'édition du soir)Article publié le 14/11/2016